Je me souviens ... par Véronique Rigou-Pouclet

Pour commencer, je dirai tout de suite que les cours de français durant ma scolarité au Lycée bleu de 1968 à 1975 étaient parmi mes préférés. J'en conserve des traces indélébiles et cela me fait vraiment plaisir de me les remémorer à l'initiative d'Arlette Richard .
Si l'on suit l'ordre chronologique, je me souviens en 6ème, soit en 1968-69, d'avoir lu "La Guerre du Feu" et "Les Lettres de Mon Moulin" avec Mme Causse qui avait un fort accent du midi et nous surprenait en prononçant le mot "grammaire" comme "grand-mère".
En 5ème j'ai eu Mr Tobias qui malheureusement est décédé en cours d'année et nous, ses élèves, avions assisté à ses obsèques au petit temple protestant du Cours Blossac.
La classe de 4ème reste parmi mes meilleurs souvenirs littéraires avec un prof que j'aimais
beaucoup : Mr Ratard, ancien militaire reconverti en prof de lettres classiques, très droit, très digne, style vieille France, qui avait aussi un côté grand-père bienveillant.(cf photo de la classe de 4ème classique 1, année 1970-71 où il figure et moi aussi). Il nous a fait découvrir les poètes de la Pléïade et je me souviens encore des vers de Rutebeuf,
chantés par Joan Baez, dont j'avais acheté le 45 tours :
"Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus et tant aimés ...
Ils ont été trop clairsemés, je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte ..."
de François Villon et sa "Ballade des Dames du Temps Jadis", reprise en chanson par Brassens :
"Dites-moi où n'en quel pays est Flora la belle Romaine
Archipiade ne Thaïs qui fut sa cousine germaine ...
Mais où sont les neiges d'antan ?"
de Du Bellay et la nostalgie de son village natal :
"Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage...
Et puis est revenu plein d'usage et raison
Vivre entre ses parents le reste de son âge ...
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux
Que des palais romains le front audacieux
Plus mon petit Liré que le Mont Palatin
Et plus que l'air marin la douceur angevine ."
La douceur angevine, j'en entends souvent parler car nous habitons Bressuire à 85km d'Angers, où nous avons des amis.
de Ronsard : ses sonnets avec des tournures de vieux français un peu désarmantes sur l'amour et le temps qui passe , savoir profiter du moment présent "Carpe diem" :
"Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies
Qui ne les eût à ce vêpre cueillies
Chûtes à terre elles fussent demain ...
Le temps s'en va, le temps s'en va ma dame
Las le temps non mais nous nous en allons ..."
"Mignonne allons voir si la rose qui ce matin avait éclose ...
Cueillez cueillez votre jeunesse
Comme à cette fleur la vieillesse
fera ternir votre beauté "
"Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose
En sa belle jeunesse en sa première fleur ...
La grâce dans sa feuille et l'amour se reposent
Embaumant les jardins et les arbres d'odeurs ..."
"Quand vous serez bien vieille le soir à la chandelle
Assise auprès du feu dévidant et filant
Direz chantant mes vers en vous émerveillant
Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle ...
Vivez si m'en croyez n'attendez à demain
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie ."
Ces derniers vers sont adressés à Hélène dont il était amoureux . C'est le prénom de notre fille, âgée de 30 ans , un prénom intemporel ...
Mr Ratard nous avait par binôme fait écrire, mettre en page et illustrer un petit roman. Moi,
j'aimais beaucoup écrire... J'étais aussi une lectrice acharnée. Je pensais et pense encore que la lecture, c'est l'évasion vers le rêve. Je lisais même un peu le matin avant de partir au lycée .Toute mon enfance et mon adolescence, j'ai dévoré des livres, me suis régalée de prose et de poésie de toute sorte. J'étais adhérente à la bibliothèque municipale, qui au départ se situait au premier étage d'une vieille maison de la rue Napoléon dans le quartier du Passage . C'est mon père, fervent lecteur, qui m'y avait inscrite , et je lui en rends hommage aujourd'hui . Je piochais aussi des livres dans la bibliothèque de mes parents qui n'y trouvaient rien à redire et j'avais lu avec plaisir "Le Blé en Herbe" de Colette . Lorsque mes parents étaient allés à la rencontre parents-profs, Mr Ratard leur avait dit que ce livre n'était pas de mon âge : j'avais 13 ans à l'époque, et c'était un peu sulfureux ... Je crois que c'est aussi Mr Ratard qui nous avait fait découvrir l'émouvant "Journal d'Anne Franck", dont j'avais relié l'édition de poche en cuir bleu nuit, pendant le cours de travaux manuels de Mme Richard .
En 3ème et 2nde j'ai eu Mme Aurey et en 1ère Mme Brunet, deux très bonnes profs de français. Dans mon souvenir elles m'apparaissent comme deux dames d'âge mûr, souvent en tailleur ou jupe droite sous le genou, avec un chignon strict, un peu style Mamie Nova. En réalité, elles devaient avoir une quarantaine ou une cinquantaine d'années, c'est à dire étaient plus jeunes que moi actuellement : j'ai 56 ans, je suis grand-mère d'une petite Clara de 6 mois, et je ne me sens pas Mamie Nova ...
Ces années-là , nous avons étudié des pièces de Molière : "Le Médecin malgré lui","Tartuffe", "Le Malade Imaginaire", "L'Avare", "Les Femmes Savantes", "les Précieuses Ridicules", "Le Bourgeois Gentilhomme"... Je garde un excellent souvenir de cet univers théâtral plein d'humour. Nous avons aussi lu des romans de Zola , de la saga des Rougon-Macquart, des "tranches de vie" disait Mme Brunet. Le premier, ce fut "L'Assommoir". C'est le festin donné par Gervaise pour sa fête qui m'a donné envie de cuisiner de l'oie à Noël. Gervaise régale ses convives, et moi, je régale les miens, d'une oie énorme et grasse, qui est le clou du repas . En ce temps-là, je n'avais jamais mangé d'oie et ce passage me faisait saliver. Ensuite, peut-être en avons-nous étudié d'autres. En tout cas, moi, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire "La Fortune des Rougon", "Germinal", "Au Bonheur des Dames", "Le Rêve", "L'Argent", "Nana", "Le Ventre de Paris"... En début de 1ère, Mme Brunet nous avait conseillé "Siegfried et le Limousin" de Giraudoux, que j'avais trouvé fort ennuyeux et décevant, avec même des passages hermétiques. Par contre, j'ai adoré étudier la poésie de Verlaine, Rimbaud, Baudelaire et Apollinaire. Des poèmes presque entiers ou des bribes me reviennent souvent, en voiture ou le soir en m'endormant.
"Après trois ans" de Verlaine :
"Ayant poussé la porte étroite qui chancelle
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu'éclairait doucement la lumière du matin ...
Rien n'a changé j'ai tout revu ...
Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sa plainte sempiternelle ..."
Toujours de Verlaine, atteint semble-t-il d'un état dépressif :
"Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville
Quelle est cette langueur qui pénètre mon coeur...
Il pleure sans raison dans ce coeur qui s"écoeure...
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine"
Et aussi "Le Mai" d'Apollinaire :
"Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s'éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains
Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales fleuris des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j'ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières...
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
Suivaient une roulotte trainée par un âne
Tandis que s'éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre mointain un air de tambourin "
Un de mes plus beaux souvenirs des cours de français, c'est la découverte en 1974, grâce à Mme Brunet, de Jacques Brel, avec un commentaire du texte "Le Plat Pays", chanson empreinte de poésie. Je revois encore la feuille ronéotypée à l'encre violette à l'odeur si particulière conservée dans mes "archives". Je possède toujours tous les 33 tours de Brel, un recueil de ses textes, sa biographie... J'ai été consternée d'apprendre sa mort prématurée liée au tabagisme en 1978 durant mes études de médecine. Les chansons de Brel m'ont donné envie de visiter la Belgique. Mon mari et moi, avons fait ce pélerinage sur les traces de Jacques Brel, "de Bruges à Gand" en passant par Bruxelles "qui bruxellait", avec sa Place de Broukère, sa Place Sainte-Catherine, mais sans la place Sainte-Justine, qui n'existe que pour la rime. Sans oublier la Mer du Nord et Ostende avec "son Ostendaise". Je pense souvent à Mme Brunet lorsque j'écoute du Brel. Je me souviens aussi des philosophes Rousseau et Voltaire, lequel faisait dire à Candide : "Il faut cultiver notre jardin ". De Montaigne, qui définissait la profonde amitié le liant à La Boétie "parce que c'était lui, parce que c'était moi".
Je pourrais sans doute évoquer d'autres souvenirs, mais ce sont ceux qui m'ont le plus marquée, et je vais m'arrêter là . Pour conclure, j'ai eu l'idée d'interroger mon mari, Cyril, ancien élève du Lycée Bleu de 1967 à 1974 , même si je me doutais un peu de sa réponse. Lui ne conserve pas un souvenir impérissable des cours de français. Il lisait peu, et encore maintenant s'intéresse surtout aux ouvrages scientifiques. Il se rappelle Mme Steiner, qui leur avait fait étudier Le Cid de Corneille, Mr Grimaud, Mme Brunet, Mr Tobias et Mme Aurey . A la différence de moi, Cyril a l'esprit beaucoup plus scientifique que littéraire. Il se souvient très bien de formules physiques, chimiques et mathématiques, et de leurs applications. Ce qui n'est pas mon cas ... Études à peu près semblables, mais tempéraments, sensibilités et centres d'intérêts différents . La preuve que la mémoire est sélective ...
Des années après, même si je ne suis pas convaincue de leur avoir transmis le goût de la lecture, je me suis régalée à lire des livres à nos trois enfants petits. Et le mois dernier, c'est avec notre petite-fille Clara âgée de 5 mois, que j'ai recommencé avec un livre cartonné. C'est le cycle de la vie ...

le 2 avril 2015

Les JMF par Jacques Debenay

     Giuseppe Verdi

Giuseppe Verdi

Ah !  Les  activités  extra-scolaires !!! Quel  bel  échappatoire  pour  les  internes  condamnés  aux  études  surveillées  obligatoires …  Le  sport,  le  foyer  socio-éducatif  avec  toutes  ses  sections,  le  club  photo …  Et  les  JMF …  C’est  quoi  ça ?!!  Un  indice  pour  les  plus  jeunes,  jmf  n’est  pas  une  réponse  « textoïsée »  à  un  message  pour  dire  « je  m’en  fous ».  Non ! Non ! JMF  signifiait  Jeunesses  Musicales  de  France  et  seuls  quelques-uns  d’entre-  nous,  les  internes,  y  étaient  inscrits  par  leurs  parents  et  allaient  assister  aux  concerts  donnés  au  Grand  Casino. Quelle  fierté  de  pouvoir  toiser  les  autres  en  leur  disant  que  nous  sortions  ce  soir-là,  alors  qu’eux  seraient  en  étude  et  iraient  se  coucher  comme  tous  les  soirs  à  la  même  heure.  Avec  quel  entrain  la  petite  troupe  allait  prendre  le  car  qui  l’attendait  devant  la  porte  du  lycée … La  programmation  des  concerts  veillait  à  offrir  un  certain  éclectisme  et  nos  parents  en  étaient  très  contents,  se  disant  que  nous  aurions  ainsi  une  culture  musicale  classique  des  plus  larges …  S’ils  avaient  su  que  leurs  chers  petits  enrichissaient  par  eux-mêmes  cette  culture,  je  suis  certain  qu’ils  en  auraient  éprouvé  une  très  grande  jubilation …

En  effet,  aussitôt  installés  dans  le  car,  nous  entonnions  un  chant  lyrique  qui  narrait  un  épisode  de  la  vie  d’une  jeune  fille  de  bonne  famille,  Jeanneton,  qui  utilisait  une  faucille  pour  aller  couper  des  joncs …  Œuvre  d’une  modernité  incroyable  par  rapport  aux  thèmes proposés  pour  nos  soirées,  mais  dont  l’auteur  du  livret  et  le  compositeur  nous  étaient  inconnus.  Nous  avions  entrepris  des  recherches,  mais  elles  n’avaient  pas  abouti …  Les  seules  conclusions  que  nous  avions  pu  en  tirer,  c’est  qu’il  ne  pouvait  s’agir  ni  de  Mozart,  ni  de  Rossini,  ni  de  Verdi … 

Jeanneton  épuisée,  nous  n’étions  toujours  pas  arrivés, mais  plus  nous nous approchions du but, plus la perspective de passer environ deux heures en compagnie de Mendelssohn ou d’un de ses copains alourdissait l’atmosphère… Dès lors, nous entamions gravement le « de Profundis », oh ! Pas celui de Michel Richard Delalande … non, non, celui plus païen où il est question d’un petit animal très attachant…

Et  puis,  il  nous  fallait  tenir  le  temps  du  concert.  C’était  parfois  difficile,  mais,  heureusement, et  c’était  le  plus  souvent  le  cas,  l’artiste  qui  nous  présentait  les  œuvres  arrivait  à  capter  notre  attention …Je  me  souviens  encore  très  bien  des  retours  dans  le  dortoir,  vers  minuit,  et  de  cette  impression  bizarre  de  pénétrer  dans  le  monde  parallèle  du  rêve …  Ici,  dans  son  sommeil,  un  dormeur  se  redressait  tout  d’un  coup,  se  mettait  en  position  assise  et  tapait  sur  son  lit  tout  en  gémissant ;  là,  un  autre  s’était  habillé  à  moitié ;  plus  loin,  un  autre  encore  marmonnait  des  choses  incompréhensibles  en  secouant  la  tête  dans  tous  les  sens,  il  n’avait  visiblement  pas  encore  trouvé  la  quadrature  du  cercle …..  Alors,  nous,  les  deux  ou  trois  qui  rentrions,  nous  dressions  un  lit  en  cathédrale,  en  hommage  à  la  messe  en  ré  de  Beethoven  qui  venait  de  nous  être  servie.  Oh ! Après  la  soirée  consacrée  à  Vivaldi,  nous  avions  recréé  l’hiver  en  enlevant  à  un  dormeur  drap  et  couvertures  que  nous  avions  déployés  sur  son  voisin  qui  avait  pu  goûter  ainsi  à  l’été… Ce  soir-là,  nous  n’avons  pas  eu  le  temps  de  trouver  notre  interprétation  personnelle  des  deux  autres  saisons,  printemps  et  automne ;  le  réveil  de  nos  deux  premières  victimes  ayant  été  plus  bruyant  que  nous ne l’avions  imaginé,  le  « pion »  est  venu  nous  jouer  une  toute  autre  partition …

Douce journée du 29 septembre 2012 par Brigitte Thouzeau

Au cours de l'apéritif, suite à l'A.G., nous avons pu échanger entre anciens élèves et professeurs, autour des photos de classe, bien entendu!... Madame Dupouey, (professeur de sports) est restée quelques instants avec nous... elle a gardé son léger accent du sud, et l'entendre nous a ramenés des années en arrière (étrange comme une voix peut faire resurgir des bribes inscrites dans nos petites têtes d'alors).

Puis nous avons rejoint le réfectoire côté nord, pour le pique-nique... nous étions une quinzaine de personnes :  les membres du C.A., Madame Brunet (professeur de Français) et quelques anciens élèves internes, qui bavardaient à qui mieux-mieux, se remémorant tel(le) ou tel(le) camarade...

Très inspirée, Anne-Marie Grimaud, a demandé à la cantonade : "Parmi les élèves présents, qui a eu Madame Brunet comme professeur?"... plusieurs mains se sont levées "moi, moi,moi!..."... ladite Madame Brunet étant très étonnée de ce petit 'bataillon'!

Puis ce fut le tour d'Arlette Richard, Anne-Marie Grimaud, et de François Grimaud... des moments de reconnexion à ce que nous étions des années plus tôt. Des expressions propres à chacun(e) sont revenues... entre autres, pour Mme Brunet, une de ses maximes préférées de l'époque  :"On n'est pas cultivé... on se cultive"...

Paul Samanos (interne de 1982 à 1984)

Dans ma valise de pensionnat, le premier matin de septembre où j'ai monté les escaliers du Lycée Bleu, il y avait du pain d'épices que, malgré mes protestations répétées, ma grand-mère avait caché là ... Un an et quelques mois plus tard, quand pour la dernière fois j'ai franchi les grilles de l'établissement, mes bagages avaient bien grossi ... mais je ne saurai que des années après ce qu'ils contenaient de précieux et d'unique. Des savoirs et des compétences, bien sûr. Mais on m'aurait donné ces choses ailleurs aussi. Non, 27 ans plus tard, ce qui reste vraiment, ce que retient le cœur, ce sont des sensations : l'humanité d'un lieu, une douceur de vivre. Le plaisir improbable, en pleine période de révision, d'une heure dans un café du port ou sur la plage avec quelques amis. Et plus encore, les petits mots, les petits gestes de mes enseignants. L'initiative d'un professeur d'histoire, passionné d'opéra, nous faisant découvrir en classe un extrait de la Flûte enchantée et me donnant pour toujours l'amour de cette musique. La remarque attentive et touchante d'un autre professeur, pourtant connu pour sa réserve, qui s'inquiétait sur mon bulletin de me sentir en perte de confiance. Une phrase entendue dans un cours de français, qui m'accompagne en permanence depuis et qui affirme que tout au monde existe pour aboutir à un livre. Un café dans la loge des concierges et quelques mots complices, un soir de fin de semaine où mon cher père, un peu distrait, avait oublié de venir me chercher... Je chéris le souvenir de ces gens, de ces choses, et une partie de moi demeure aux Sables depuis ce temps, fidèlement et affectueusement.

Jacky Tougeron, interne de 1965 à 1970

Je me souviens évidemment de ces sinistres blouses grises qu’il fallait enfiler le lundi matin. Je me souviens de la distribution des billets de sortie, le samedi après le repas, dans le hall près de la salle de sport, avec son lot d’incertitudes : les consignes pour le week-end tombaient drues à l’époque, le plus souvent collectives.

Je me souviens des voyages en car Citroën le dimanche soir pour rentrer au lycée (j’habitais Saint Jean de Monts), le cœur gros, après une journée passée à la maison : nous chantions dans le car pour nous donner du courage collectif.

Je me souviens des études de 5 à 7 et après le repas : on était au moins une cinquantaine d’internes dans la salle, surveillés par un pion avant 1968, puis en « autodiscipline » ensuite (c’était une des revendications de mai 68 !),

Je me souviens qu’après 68 l’étude était mixte, et en autodiscipline, ce qui était bien commode pour rouler des  « galoches » à sa copine, quand on en avait une (de copine…),

Je me souviens de la salle qu’on appelait « le foyer », dans laquelle on discutait, on jouait aux cartes, on écoutait de la musique (les disques vinyle que chacun apportait) sur un vieil électrophone. C’était l’époque de Peter Paul and Mary ("Blowin’ in the wind"), des Mammas et des Papas ("Monday Monday"), de Sonny and Cher ("The beat goes on" passait en boucle), des Beatles, des Rolling Stones…

Je me souviens de la distribution du goûter après les cours de l’après-midi, au bout du foyer, dans le bâtiment à droite, qui abritait également l’internat des garçons,

Je me souviens des matches de foot acharnés, sur le terrain de hand qui jouxtait la salle de sport, avec Nono et tous les fous de foot (comme moi) : on « quillait » pour formait les équipes, et on rentrait en étude après avoir bien transpiré (je ne me souviens plus de l’odeur…),

Je me souviens de quelques nuits passées à rédiger et tirer des tracts pendant les évènements de 68, dans les douches du dortoir, (il y a prescription maintenant…) avec nos leaders politiques (ceux qui prenaient la parole), Gilles Cahn ou Jean-Paul Allibert.

Je me souviens des boxes du dortoir, où nous formions des petits groupes qui discutaient le soir, quand le pion était endormi, chacun regagnant  précipitamment son lit lorsque les guetteurs annonçaient l’arrivée imminente et redoutée du surveillant général, Monsieur Gilbert, ou d’Agathe (dont je n’ai jamais su le véritable patronyme). Très souvent le chahut partait d’un interne plus déluré que les autres, qui entamait un célèbre hymne (pour nous à l’époque du moins !) : « ndlr : nous avons censuré les quelques paroles que Jacky nous a indiquées, qu’il veuille bien nous en excuser !),

Je me souviens ainsi d’une chaude nuit au cours de laquelle le pion excédé nous avait tous fait lever en plein milieu de la nuit, et nous avait obligés à rester à genoux les mains sur la tête, puis avait failli défenestrer l’un des meneurs.

Je me souviens d’une fête de Noël en 1969, où nous avions joué la pièce de Ionesco « Le Rhinocéros » près de l’Abbaye Saint Croix, avec Louis-Maurice Petiot, Jeanne Sorin, Jean-Pierre Potier, Claudine Bonneau, Chantal Danesse, avec une superbe mise en scène de Jean-Paul Alibert. J’ai toujours le bouquin, dédicacé par l’ensemble des acteurs : un magnifique souvenir.

Je me souviens qu’à cette même fête de Noël, la chanson de Boris Vian avait été censurée, parce qu’il y avait des…pompiers dans la salle !

Je me souviens aussi, les élèves actuels ne vont pas me croire, de la balade obligatoire du jeudi après-midi, en rang par deux, sous les ordres du pion, lorsque par malheur il n’y avait pas de sport ce jour-là. La plus romantique était celle qui nous menait du lycée au bourg d’Olonne, sur le bord de la route, où je dois reconnaître qu’il y avait moins de circulation et qui n’était pas bordée de maisons tout le long, comme aujourd’hui.

Je crois me souvenir qu’en 1969, on nous avait fait lever en pleine nuit pour assister, dans le réfectoire sur un vieux téléviseur noir et blanc, peut-être loué pour l’occasion,  au 1er pas de l’homme (Neil Armstrong) sur la lune.

Je me souviens également de plein de gens qui sont désormais éparpillés aux quatre coins de la Vendée, de la France ou du Monde, dont certains reviennent au port  au moment de la retraite, ou même avant : je me souviens notamment de Lucien, que j’avais revu une fois il y a quelques années, et qui est maintenant le président de l’association des anciens élèves…, mais également d’autres anciens copains de lycée, dont je n’ai pas trouvé la trace ni à Copains d’avant, ni à Trombi.com, et que l’association pourrait peut-être permettre de retrouver, ne serait-ce que pour échanger quelques mots par internet ?

A l'école de la République

Paco Rabanne, couturier de renommée mondiale, fut élève au Lycée des Sables d’Olonne à la fin des années 40, alors que l’établissement n’était pas encore dans ses locaux bleus. Il a honoré de sa présence la fête des 50 ans.

« Tout ce que je suis, je le dois à ce que j’ai appris au Lycée Savary de Mauléon. Ce n’était pas facile pour moi qui étais un réfugié espagnol, qui parlais très mal le français au départ. Mais les enseignements que j’ai reçus ici m’ont permis d’avoir, par la suite, d’excellentes notes dans les écoles parisiennes et de ne pas être trop ridicule lors de mes présentations orales aux Beaux Arts de Paris. Tout cela, je le dois à l’exigence des professeurs que j’ai eus dans ce Lycée.

Si je suis devenu ce que je suis, c’est grâce aux enseignements du Lycée Bleu. Ils (les professeurs) attendaient des élèves des efforts considérables, ils m’ont appris la langue, une puissante culture qui m’a servi tout au long de ma vie. Notamment en 1960 quand je suis devenu couturier, cela m’a permis de passer à la télévision, à la radio en me singularisant des autres créateurs de l’époque. »

Derniers commentaires

20.10 | 14:18

J'ai lu avec intérêt l'article sur l'association dans le dernier journal des Sables.
J'ai effectué ma 4ème et ma 3ème au lycée bleu (à l'époque où le collège existait dans les préfas) et ma seconde.
Q

28.03 | 17:11

Bravo pour le gérant du site joliment mis à jour.

24.03 | 01:48

J'étais élève en 85, 86, 87, j'ai un souvenir d'un super prof avec son sac à dos rose, surfeur, et vraiment génial... Prof de français et psychologie, un mec génial...

24.03 | 01:45

Bonjour, J'ai fait ma 4,3 iem, 2nd au lycée bleu, ai que des bons souvenirs avec des profs sympas dans l'ensemble, mélange à l'époque avec les profs de la génération d'avant et d'autres "modernes"

Partagez cette page